Ce weekend dans le Dauphiné, il y eut deux accidents d’escalade relatés sur les falaises de Provence dont les circonstances sont à ce jour peu éclairées. Deux hommes chutent, le premier de 4 mètres à Buoux et un autre qui se retrouve grièvement blessé à Buis-les-Baronnies.
Un accident aussi imprévisible qu'il soit, est toujours un rappel à la prudence. La pratique de l’escalade est à la mode, le nombre de grimpeurs augmente et cela contribue-t-il à une hausse de l’accidentologie ? Comment peut-on en limiter les risques ? Un événement dommageable interroge toujours la notion de responsabilité, aussi indépendante soit-elle de notre volonté.
Ce que j'observe sur le terrain, pour avoir nous-mêmes été à Buoux ce vendredi 11 novembre, c'est que nous sommes nombreux sur les secteurs d'escalade dits "majeurs" et cela devrait nous inciter à être plus vigilants. Il est fréquent que des groupes d'une dizaine de personnes viennent pratiquer l'escalade en autonomie, entre copains, le temps d'un weekend prolongé. Cela s’accompagne d’une nuisance sonore plus importante que si l’on venait par binômes juxtaposés les uns aux autres au pied des voies. L’effet de groupe amène de façon plus machinale à porter le son de sa voix et est source de distraction. En dehors de cette affluence, la pratique de l’escalade s’accompagne elle-même de nombreux cris : celui de la peur de tomber, du combat mental et physique d'un essai, des encouragements, de la victoire ou de la frustration à ne pas réussir un enchainement...
Bref à Buoux ce vendredi, le bruissement de la foule a remplacé la quiétude du lieu. Nous n’entendons plus le chant des oiseaux, la brise dans les arbres et à peine le flot de la rivière en contrebas de la falaise. Même si les rencontres dans ce milieu sont plutôt conviviales, il y a un inconfort qui peut se faire ressentir de par le monde. Si ce n’était qu'une sensation désagréable liée à la fréquentation que nous ressentirions, cela ne serait pas bien important au final. Mais ce qui l’est en revanche, c’est quand cette sensation s’accompagne d’un sentiment d’insécurité.
En tant que monitrice d'escalade, je constate que la pratique de l'escalade se transmet aussi dans un contexte amateur ou entre bénévoles au sein d'un club. Si les intentions sont bonnes à vouloir partager ses compétences en dehors de tout cadre professionnel, j'observe plusieurs fois des cordées qui se mettent en danger de par des lacunes en techniques d'assurage. Et même quand celles-ci sont maitrisées chez les plus expérimentés, il arrive que la corde soit trop molle aux mains de l'assureur, risquant un retour au sol pour le grimpeur. Il est vrai aussi que l'on peut se laisser plus facilement déconcentré par l’ambiance sonore de la falaise où on peine à entendre ce que notre grimpeur nous dit. Autant d'éléments qui ne favorisent pas des conditions sereines de pratique d'un sport présenté comme une activité à risques.
J’ai moi-même il y a plus de dix ans, échappé de justesse à un grave accident faute d'avoir fait un nœud en bout de corde. En me descendant d'une voie d'escalade, mon assureur discutait avec quelqu'un et il ne se rendit pas compte que la longueur de corde était insuffisante et elle défila dans son réverso. Je chute de quelques mètres dans un buisson qui m’a été salvateur. Je m’en suis sortie avec une entorse aux cervicales et une grosse frayeur. Nous étions tous les deux responsables de cette négligence ou bien de cette ignorance. Je me sers de cet exemple personnel pour énumérer les comportements essentiels en guise d'avertissement :
- bien se former aux techniques de l’escalade ;
- ritualiser le partner check et systématiser le nœud en bout de corde ;
- être attentif aux autres et à l'environnement naturel qui nous entoure ;
- faire l'effort d'être plus calme quand la falaise est bondée ;
- ne pas crier inutilement, ne pas mettre de la musique à fond ;
- éviter de venir en « troupeau » sur un même secteur et mieux se dispatcher.
La pratique de l’escalade en milieu naturel nous ouvre des espaces de liberté unique, affranchis encore pour la plupart de réglementations restrictives. Pour préserver ces espaces fragiles, nous devons engager consciemment notre propre responsabilité et adapter notre comportement face à l’acceptation d’un risque inhérent à notre activité, d'autant plus si nous sommes nombreux à la pratiquer. Et pour finir cet article, je citerai un proverbe africain qui dit simplement que l'habitude endort la prudence.
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